Fiasco du Heiva i Dubaï : "On nous a vendu du rêve…"

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PAPEETE, le 15 juin 2017 – Le déplacement des 140 artistes locaux aux Émirats arabes unis prévu le 7 juillet prochain n’aura finalement pas lieu. Officiellement, le voyage a été en effet "reporté" à une date ultérieure à cause des tensions politiques au Qatar, petit émirat limitrophe de Dubaï. Mais d’autres raisons sont à l’origine de ce capotage : des retards dans la délivrance des passeports et des récalcitrants aux tests de dépistage anti-drogue. Grosse déception de la part des invités polynésiens qui désormais "n’y croient plus"…

L’information avait fait couler beaucoup d’encre et suscité une vive polémique au sein de la communauté culturelle. Le dossier réalisé par Tahiti Pacifique, intitulé "L’élite du Heiva i Tahiti pillée par Dubaï" (lire l’édition du 2 juin dernier, n°356), avait fait notamment le buzz sur le web. Un émir a offert aux meilleurs de nos danseurs et musiciens polynésiens un contrat pour partir aux Émirats arabes unis du 7 juillet au 7 août, en pleine période de Heiva, le plus grand rassemblement culturel en Polynésie. Ils devaient assurer dans la cité-État une série de shows et tous les frais devaient être pris en charge. D’un côté, c’était une opportunité alléchante pour les jeunes artistes du fenua, qui devaient en outre être grassement rémunérés… Mais de l’autre, certains groupes qui préparaient le Heiva i Tahiti ont vu leur effectif amoindri et ont été même privés, parfois, de leurs premières lignes. Durement pénalisés, des chefs de troupe comme Makau Foster (Tamariki Poerani) ont dû alors revoir leurs placements et leurs chorégraphies.

Heremoana Maamaatuaiahutapu, le ministre de la Culture, lui, s’inquiétait de la gestion du groupe sur place, estimant que c’est "l’image de la Polynésie qui est en jeu". Quant au président du jury du Heiva, Matani Kainuku, il regrettait que les organisateurs n’aient pas "simplement négocié que cela se passe après le Heiva". Sauf que le voyage n’aura pas lieu ou du moins il sera finalement "reporté" selon André Tahimanarii, l’attaché de presse chargé de la communication de l’événement. Officiellement, ce seraient les "tensions dues à la situation géopolitique" qui expliqueraient que le projet soit tombé à l’eau. Plusieurs pays du Golfe et l’Égypte ont en effet rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, petit émirat limitrophe de Dubaï, accusé de soutenir le terrorisme, notamment depuis l’attentat meurtrier commis en Grande-Bretagne le 5 juin dernier. Revendiquée par l’organisation État islamique (EI), l’attaque au cœur de Londres a fait au moins sept morts, dont un Français, et 48 blessés. L’Arabie saoudite, le Yémen, les Émirats arabes unis et Bahreïn accusent Doha d’encourager Al-Qaida, l’EI et la confrérie des Frères musulmans. Qatar Airways a, pour sa part, suspendu ses vols vers l’Arabie saoudite, dont la compagnie nationale Saudia a pris une mesure similaire.


“Ce n’est pas de ma faute si certains sont accros aux drogues !”
L’émir aurait ainsi "simplement conseillé et proposé" à leurs interlocuteurs locaux "de repousser le séjour polynésien pour des raisons de sécurité afin de ne pas mettre le groupe en danger". Mais d’autres causes sont à l’origine de ce capotage… André Tahimanarii explique : "Nous avons également des problèmes de délivrance de passeports, ce qui nous met en retard. Le haut-commissariat est pris d’assaut, d’autant que nous sommes à la veille des vacances scolaires. Et puis, nous voulons aussi des garanties en faisant des tests anti-drogue, mais certaines personnes refusent de se plier aux dépistages…" Dépistages qui en auraient effrayé plus d’un. "Ce n’est pas de ma faute si certains sont accros aux drogues ! Ils n’ont qu’à dire qu’ils ne partent plus, c’est tout…", s’insurge l’attaché de presse.

Si le voyage est donc "reporté" à une date ultérieure, une "petite délégation de 14 personnes" doit cependant s’envoler à Dubaï, en septembre prochain. Mais cette fois, pour faire du "business". Le chargé de communication précise : "Il s’agit d’un déplacement d’affaires pour mettre en avant la carte postale de la Polynésie française. Nous avons créé une passerelle avec les Émirats arabes unis depuis trois ans maintenant, et nous cherchons à développer des fonds de garanties." Quoi qu’il en soit, c’est une énorme déception pour les 140 artistes (danseurs, musiciens et artisans) qui s’étaient engagés dans les répétitions depuis fin avril, à l’instar de Tuarii Tracqui, qui "n’y croit plus" et considère qu’on leur a "vendu du rêve" (lire encadré ci-dessous). Nombre d’entre eux ont passé beaucoup de temps à s’organiser, ont déposé leurs congés et renoncé à leur participation au Heiva i Tahiti. Certains devaient même prendre l’avion pour la première fois. Alors, après ce raté, le séjour aura-t-il réellement lieu un jour ? La suite au prochain épisode…


Tuarii Tracqui, danseur professionnel : “Plus personne n’y croit”
"Nous entendons plein de rumeurs qui circulent, donc nous ne savons pas trop pourquoi nous ne partons plus. Officiellement, les organisateurs nous ont dit que c’était en raison des attentats et de la situation au Qatar, mais je n’y crois pas trop. Je ne suis pas nul en géographie et je sais que ce sont deux États différents. Franchement, oui, je suis un peu déçu, mais en ce qui me concerne, je pars demain (aujourd’hui, ndlr) à Paris, puis je dois aller au Japon. J’avais prévu ensuite de revenir au fenua avant la date de départ pour Dubaï, mais bon, ça tombe à l’eau… Par contre, je pense à tous ces jeunes qui avaient hâte de partir, c’est dommage. En fait, on nous a vendu du rêve… J’ai un cousin, par exemple, qui grâce à ce voyage allait prendre l’avion pour la première fois. C’est vraiment un coup dur pour tous les artistes. Maintenant, plus personne n’y croit."


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